quinta-feira, março 12, 2009

Le Labyrinthe de la solitude



Le Labyrinthe de la solitude
OCTAVIO PAZ
Au rang des traits qui définissent au mieux le caractère mexicain, c'est la solitude que le grand Octavio Paz érige en symbole. Et le pays - son pays - s'incarne dans 'Le Labyrinthe de la solitude', publié en 1950, un texte magistral qui ausculte ce penchant naturel, cette donnée culturelle fondamentale.

Lorsque paraît cet essai ambitieux sur le peuple mexicain, Octavio Paz, qui n'a que 36 ans, a derrière lui quelques illustres poèmes. Mieux, ce petit-fils d'intellectuel a déjà soutenu les républicains dans la guerre civile espagnole, fréquenté les surréalistes à Paris, vécu deux ans entre San Francisco et New York, fondé différentes revues littéraires et intégré le corps diplomatique mexicain en 1945. Un parcours hors normes, à l'image de ce 'Labyrinthe de la solitude', une oeuvre brillante, devenue presque soixante ans après sa parution un texte fondamental de la culture mexicaine. Paz y livre sa vision d'un peuple en quête d'identité, un peuple qui s'est construit sur un sentiment d'infériorité induit par son histoire, et une forme de résignation : "la fermeté dans l'adversité".

Dans ce texte flamboyant, non seulement l'écrivain tente l'impossible définition de la mexicanité, mais il entend replacer la nation mexicaine au centre des événements qui ont marqué sa formation. "L'homme, à mon sens, n'est pas dans l'histoire : il est l'histoire", écrit-il, insistant sur le bien-fondé de son projet et la nécessité de comprendre le peuple mexicain au regard de l'histoire, mais aussi de lire l'histoire comme le miroir de l'identité mexicaine. Aussi trouve-t-on dans cet essai une mixité d'influences et de cohabitations qui forment l'essence du Mexique autant que la personnalité de l'écrivain lui-même. "Si le Mexique est né au XVIe siècle, c'est en tant que fils d'une double violence impériale et unitaire : celle des Aztèques et celle des Espagnols." Au fondement de la civilisation mexicaine contemporaine, les vestiges des civilisations préhispaniques se mêlent aux stigmates de la colonisation européenne qui eux-mêmes se confrontent à l'influence des Etats-Unis voisins. Paz fonde son étude du caractère mexicain sur cette chronologie et cette géographie capitales avant d'expliquer comment l'indépendance et la révolution finissent d'unifier le pays en y incluant toutes les classes jusqu'alors écartées par la logique coloniale.

Dans une multitude de signes distinctifs intimement liés à l'histoire du pays et des peuples qui y coexistent, Octavio Paz parvient à dresser une cartographie éloquente du "Mexicain". Il y dépeint une virilité exacerbée, une culture de la mort, un goût de l'ordre et de la forme, une identité construite entre rejet et héritage des valeurs de l'Ancien Continent. Mais si l'écrivain oppose bien une certaine objectivité des critères à la complexité de l'entreprise, la définition annoncée au fil des pages relève bien d'une analyse psychologique subjective et d'une généralisation contestable. D'autant que sous couvert d'un regard critique sur son pays, Octavio Paz ne mâche pas ses mots et n'épargne en rien ses compatriotes ; une critique qu'il estime nécessaire à la libération et à la reconstruction.

Sur la forme, l'essai anthropologique d'Octavio Paz relève largement de son art savant du langage. Auteur d'une oeuvre poétique majeure - il publie son premier recueil de poèmes, 'Luna silvestre' en 1933, à l'âge de 19 ans -, Paz apporte un soin considérable à ses textes en prose et y incorpore des codes stylistiques souvent proches de la poésie, magnifiant les faits avérés de l'histoire en y mêlant la force des mythes qu'il estime être à la base de la politique contemporaine. Poète, romancier, critique littéraire, essayiste et journaliste, Octavio Paz a marqué le XXe siècle de son empreinte, laissant derrière lui - outre une oeuvre poétique qui lui valut le prix Nobel de littérature en 1990 - une masse considérable d'essais culturels et sociétaux dont 'Le Labyrinthe de la solitude' marque tout à la fois le fondement et le témoignage le plus légendaire.
Thomas Flamerion pour Evene.fr - Mars 2009

FONTE (foto incluída): EVENE - Paris,France

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