Le théorème d'AlmodovarSous le masque, la plume
Le traditionnel bandeau rouge de Gallimard annonce : Transfiguration. Un mot fort pour un premier roman. Pourtant dans Le Théorème d'Almodovar, où il raconte sa renaissance après l'accident de voiture qui l'a défiguré Antoni Casas Ros évite soigneusement le voyeurisme que l'on pouvait redouter. Et réussit un livre où la poésie naturelle des choses le dispute à l'imagination.
Monstre sacré
Pas de détours ni de fausses hésitations, Casas Ros nous fait entrer très vite dans le véritable propos de son livre. "Pour avoir une vie, il faut un visage. Un accident a détruit le mien et tout s'est arrêté, à vingt ans". Ainsi Antoni a-t-il perdu la forme humaine de son visage. Mais aussi sa petite amie, tuée sur le coup. Fin de la contemplation narcissique ou mutuelle. C'est maintenant seulement qu'Antoni pourra faire l'apprentissage de la véritable beauté.
Lorsqu'il expose, dès la première page, sa vision d'un monde idéal, aux limites de la conscience, instable mais infini, le narrateur a décidément quelque chose d'Artaud. Antonin, Antoni. Leur histoire est celle de monstres qui font de la poésie. De la défiguration à la transfiguration.
Sauf qu'à l'inverse d'Artaud, la cruauté n'existe pas chez Casas Ros. Tout est pardonné, chacun est repenti. L'écriture recouvre chez Antoni toute une dimension expiatoire, lui permettant par exemple de pardonner à son père ses idées et ses activités fascistes. L'auteur reprend vie en même temps que s'écrit son oeuvre : "Je fais un rapide calcul. […]Soixante-sept mille huit cents heures, vingt-trois romans !" songe-t-il avec soulagement. Il y a dans cette phrase tout le souffle qui porte l'écrivain désespéré au désir de survie. La maîtrise du verbe de Casas Ros n'est pas si éloigné de la perfection des formules mathématiques dans lesquelles il aime se réfugier. Antoni a hérité de sa mère l'amour des chiffres et des équations, ce qui lui permet de se représenter le monde autrement, et de penser ainsi qu'"il y a une fête au centre du vide". Le lien entre mathématiques et poésie pure apparaît de façon évidente dans Le Théorème d'Almodovar (ne serait-ce que dans le titre).
L'auteur n'aura de cesse de faire appelle à la terrible loi de gravité de Newton (une citation du scientifique est d'ailleurs placée en exergue de chaque chapitre), y compris pour parler de l'accident de voiture qui l'a défiguré quinze ans auparavant. Si le monde s'explique par les maths, c'est qu'il peut s'expliquer par la poésie.
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