Maqamet, la traduction dans l’air du temps Un concert qui embellit la vie
La Presse Publié le 11.12.2008
La Presse Publié le 11.12.2008
Dans cette rencontre entre musique et traduction, la cantatrice a opéré la fusion des genres, en faisant revivre l’ambiance des faubourgs parisiens, les styles des morceaux explorant en souplesse la palette latino, le tout vibrant d’échos orientaux de Turquie, d’Iran et de Tunisie. Sonia M’barek a, de nouveau et une fois de plus, brouillé les cartes en intégrant dans son spectacle, donné samedi dernier sur la scène du Théâtre municipal, le processus même de son élaboration, la traduction, et cela à tous les niveaux : conception, organisation et composition musicale et instrumentale de l’orchestre.
Toujours à l’œuvre, Sonia M’barek, élégante dans une robe outre Mer, semble avoir repris de belles couleurs en réinvestissant le monde de la traduction avec un tel élan, une telle passion qui ne sont pas sans nous surprendre, étant donné la formidable pression exercée sur l’artiste pour peaufiner et parfaire ce projet dans les délais fixés. Cette précipitation, loin d’altérer la qualité du projet, a donné lieu à un spectacle édifiant qui en dit long sur l’action pragmatique de la vedette.
Et comme si cela n’était pas suffisant, elle a mis en musique les textes traduits en faisant valoir la sensibilité mélodique de l’âme tunisienne; ce faisant, elle a donné tout son cœur à l’ouvrage. Le public, touché par la grâce, était comme transporté par un gros tourbillon joyeux de textes chaloupés et savamment posés sur des accords aux couleurs métissées.
La traduction pour défricher de nouvelles contrées
Dans sa première partie, le spectacle était entièrement voué à deux immortels de la poésie en Tunisie. D’abord, avec Aboul Kacem Chebbi et l’Hymne à l’amour, traduit en français par Ameur Ghedira : «Amour, tu es le secret de mon existence, de ma vie, de ma dignité, de ma fierté». Tout de suite après, elle est passée à Preghiera nel tempio dell’amore, traduit en italien par Imed M’hadheb à partir de Prières dans le temple de l’amour.
Avec Ali Douagi et Hobbi yetbaddel yetjadded, mon amour a beau changer et se renouveler, chantée autrefois par Hédi Jouini, Sonia M’barek a galvanisé la foule en propageant l’enthousiasme et la «furia» espagnole propres aux ambiances andalouses. Elle a alterné l’arabe et l’espagnol dans une traduction de Chokri Bouchiba.
Deux autres œuvres de Douagi ont composé la première partie du programme. Il a vécu avec l’espoir de goûter à un seul grain de raisin, et un autre de Khemaïs Ternane, chanté par Saliha Trig l’emhabba chouk, (Le Chemin de l’amour est parsemé d’épines).
Avec Paroles de l’autre musique, Musiques de l’autre parole, Sonia M’barek a abordé l’essentiel du spectacle en déblayant le terrain de la belle poésie espagnole, française, turque, cubaine et persane.
Paul Eluard, poète de la résistance, pourfendeur de l’Occupation qui a lutté contre le fascisme était de la soirée avec ce magnifique poème Liberté, lu en premier par Adel Mothéré, et qui, dans la bouche de Sonia, est devenu Horriya.
Un autre poète d’Espagne, fusillé par les franquistes pendant la guerre civile, Federico Garcia Lorca était présent avec Les Trois rivières. Sonia a traduit, avec beaucoup d’émotion, le considérable apport civilisationnel des musulmans dans l’édification de l’Espagne moderne avec Guadalquivir et Granada.
Dans les Feuilles mortes, elle a su incarner avec infiniment de grâce le mélange de rouerie libertine et de naïveté de cœur qui irradie la poésie de Préverto en combinant l’image insolite, la cocasserie et la tendresse avec la gouaille populaire chère au grand poète français. Avec le poète cubain Machin, Sonia a interprété El Huerfanit, composée en 1921. Férid Latrache s’en est inspiré dans Ya habiba taâla… chantée en 1939 par sa sœur, Ismahan. Sonia a utilisé l’espagnol et l’arabe, dans une adaptation de Khaled Oueghlani.
La plus belle des mers du célèbre poète et écrivain turc, Nazim Hikmet, d’inspiration révolutionnaire, né en Grèce en 1902 et décédé à Moscou en 1963, a été chantée pour la première fois à Carthage en 2006, dans le spectacle intitulé : Périple en Méditerranée. La traduction du poète Khaled Oueghlani a restitué, avec quel brio, la luminosité de cette Méditerranée baignée dans le sombre des noctambules éclairages.
L’arrivée au bout du récital s’est faite avec une escale kalthoumienne dédiée à un grand de la poésie profane persane, Omar Khayyam, à travers un quatrain traduit par l’Egyptien Ahmed Rami.L’initiative de ce projet musical revient au Centre national de la traduction.
Adel LATRECH
FONTE: Jetset Magazine - Tunis,Tunisia
FOTO: http://www.lapresse.tn/
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