quinta-feira, maio 15, 2008

Le festival de poésie et de voix de Maria Bethânia et Omara Portuondo

Le festival de poésie et de voix de Maria Bethânia et Omara Portuondo
LE MONDE 14.05.08 18h40 • Mis à jour le 14.05.08 18h52
Cuba si, Cuba no ! "Que serions-nous sans Cuba ?", demande la grande prêtresse de la chanson brésilienne et au-delà, Maria Bethânia, qui vient de se trouver une nouvelle complice en espiègleries romantiques, la Cubaine Omara Portuondo. Ensemble, elles figurent sur un disque, sorti en France le 12 mai, Omara Portuando e Maria Bethânia.
La vétérante du boléro et membre considérée du Buena Vista Social Club est âgée de 78 ans, mais on ne le dira pas, parce qu'elle a un tempérament de jeune fille. Elle fait des yeux de velours en chantant Quizas, quizas, modèle de fatalisme nostalgique composé en 1947 par Osvaldo Farrès, et Cachin, la veuve du chanteur Ibrahim Ferrer (1927-2005), autre étalon du Buena Vista, continue de jalouser la chanteuse, trois ans après la mort de son mari. Sait-on jamais ?
Mais, à Cuba, l'humour est roi, et Omara Portuondo, enturbannée, rigole avec Cachin devant l'autel d'un San Lazaro, "le guérisseur", tout violet, qui veille sur la maisonnée des Ferrer à La Havane. Maria Bethânia, comme beaucoup d'artistes brésiliens, a reconnu dans Cuba un pays frère, imprégné de culture yoruba et fon, de santeria (Cuba), de candomblé (Brésil), transplantés du golfe de Guinée aux Amériques par les esclaves nègres. Maria Bethânia chante vêtue de blanc, Omara Portuondo jamais sans ses bracelets, ses colliers et ses grigris.
Elles ont créé l'album en scène début mars à Rio de Janeiro. Le spectacle est formidable, coloré à coups de gardenias et de roses géantes. Les deux nouvelles amies imposent l'idée cubaine, comme si le monde ne pouvait se passer de cet ancien bordel américain, devenu terre de révolution, étouffoir politique, carré misérable de la période spéciale (après le lâchage de l'URSS) et dernier rempart au consensus capitaliste. Elles déclarent leur flamme aux pays métis, façon Joe Dassin : "Et si tu n'existais pas/Dis-moi comment j'existerais..."
MÉDITATION RYTHMÉE
L'album est un festival de poésie et de voix. Omara Portuondo chevrote un peu, mais pas plus que Compay Segundo ou Ibrahim Ferrer en leur temps. Maria Bethânia a retrouvé la forme qui l'avait quittée il y a quelques années, grâce aux soins de sa nouvelle maison de disques, l'indépendant Biscoito Fino. Omara Portuando e Maria Bethânia est un festin de chansons hispaniques (Para cantarle a mi amor, d'Orlando de la Rosa), lusophones (Menino Grande, d'Antonio Maria), et puis propose un tir croisé sur Talvez, méditation rythmée sur les peut-être composée par Juan Formell, leader du groupe de salsa moderniste Los Van Van.
Soeur du chanteur Caetano Veloso, née à Salvador (Bahia) en 1946, Maria Bethânia est une forte personnalité, " femme de la nature, des forêts, et fille de la déesse de la mer, Iémanja". Cheveux en cascade, pieds déchaussés, présence absolue en scène, Bethânia est une grande dramaturge de la chanson populaire.
Histoires de passion, de fatalité, elle incarne un versant de la musique populaire brésilienne (MPB) qui s'apparente au fado portugais ou au boléro cubain. Avec le chanteur et romancier Chico Buarque, Maria Bethânia a découvert Cuba. Tardivement, puisque, jusqu'à la fin de la dictature exercée par des militaires alliés des Etats-Unis, il était presque impossible à un Brésilien de se rendre à Cuba. La première rupture a eu lieu en 1978, quand Chico Buarque fut invité à participer au prix littéraire Casa das Americas à La Havane, avec sa femme, l'actrice Marieta Severo, et l'écrivain Antonio Callado.
AMOUREUSES VISCÉRALES
A leur retour à Rio de Janeiro, ils furent arrêtés par le DOPS, la triste police politique d'alors. Du "matériel subversif" fut saisi - " des livres italiens qui parlaient de moi, des cigares cubains et des disques", précisa Chico Buarque, devenu ensuite un aficionado de Cuba, accompagnant en 1992 une opération "sauvetage de l'île" avec le prêtre franciscain Frei Beto, ancien conseiller du président Lula.
En 2008, la polémique ne s'est pas tue au Brésil. Omara Portuondo et Maria Bethânia ont créé leur récital à Rio un mois après l'arrivée officielle au pouvoir de Raul Castro, et en pleine crise latino-américaine - le raid militaire anti-FARC mené le 1er mars en Equateur par la Colombie avait provoqué les fureurs d'Hugo Chavez, président vénézuélien et ami du régime cubain.
Et, tout à coup, Maria et Omara, ces amoureuses viscérales, devenaient icônes de la "Cuba attitude". Frei Beto explique sur le site du CMI (Centro de midia independente) : "Le socialisme cubain n'a pas le droit à l'échec. Si tel était le cas..., cela voudrait dire que l'espérance, une vertu cruciale pour nous chrétiens, s'est effondrée, que l'utopie est morte..." Omara Portuondo est toujours salariée de l'Etat cubain.
FONTE: Le Monde - Paris,France

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